vendredi 27 janvier 2017

L'aventure


Vingt et un. J’ai envoyé mon manuscrit à vingt et un éditeurs en l’espace d’un mois. Je pense avoir fait le tour de tous ceux qui comptent.

J’ai fait les comptes aussi. Entre la reproduction et la reliure, les enveloppes et les frais postaux, le budget total approche les six cents euros. Et parmi ces éditeurs, il y en a trois, les seuls qui l’acceptent, à qui j’ai pu envoyer un fichier PDF — donc gratuitement. Je disais récemment à l’un de mes amis qu’il ne fallait pas être trop pauvre pour vouloir écrire. Mais je ne regrette rien. Si aucun d’eux ne l’accepte, je le saurai très vite, dans les semaines qui viennent. Je préfère savoir rapidement à quelle sauce je vais être mangé.

Vingt et un éditeurs et cinq années. Cinq ans que je porte ce bébé, qu’il est dans ma tête, qu’il tourne en boucle, en arrière-fond dans mon cerveau, que les personnages évoluent en silence, que j’y pense, que j’en rêve, que je me maudis de ne pas réussir à me donner suffisamment de temps pour rédiger, que je peste contre mes obligations personnelles et professionnelles, chronophages et stressantes, qui me détournent de cet objectif, cinq ans parfois entrecoupés de longues périodes de pages blanches empoisonnées par la crainte insidieuse de perdre la voix, celle qui donne au texte son unité, cinq ans d’écriture lente, car j’écris lentement, et cinq ans de vague jalousie teintée d’admiration pour ceux qui publient à chaque rentrée littéraire, réglés comme une pendule.

Mais enfin, je l’ai terminé ; lu et corrigé, relu et amendé, fait lire à quelques proches, passé au correcteur, et corrigé encore. Il ne m’appartient plus. Il a entamé sa vie propre. Sera-t-elle avortée, insignifiante ou bien prospère ? 

C’est peut-être une nouvelle aventure qui se profile. Peut-être.