vendredi 10 mars 2017

La détestation

J’ai fini par en rire. La réponse a été si virulente, et condescendante, qu’elle m'a arraché un rire nerveux, fataliste. Généralement, les éditeurs envoient une lettre type de refus, polie, vague, dans laquelle ils ne se justifient pas, ou à peine, et proposent à l’auteur de récupérer son manuscrit contre une enveloppe timbrée. Mais cette lettre de refus-là, je sens que je vais la garder précieusement et qui sait, peut-être un jour en ferai-je mon miel.

Ainsi donc, selon le membre du comité de lecture de ce petit éditeur, et parmi d'autres amabilités du même ordre, j’ai parsemé un récit vide, sans intrigue ni trame narrative, d’expressions alambiquées qui viennent alourdir un ensemble écœurant. Au dos de cette missive en forme d’exécution, le directeur de la maison a lui aussi écrit un mot dans lequel il tempère le ton vipérin de sa collaboratrice (puisque « le membre » du comité de lecture en question est une femme) et admet que c’est « plutôt pas mal écrit, et que ça se tient ».

Mais c’est pour mieux me tancer, sur un ton professoral, comme s’il avait corrigé la copie bâclée d’un étudiant, en indiquant que mon récit arrive un peu tard, que d’autres ont déjà rempli le créneau (sic) et qu’il n’y a rien de nouveau.

Je n’ai pas compris l’intérêt de ces sentences désobligeantes. Ils n'ont pas apprécié mon texte, soit, c’est leur droit le plus strict. Dans ce cas, une simple lettre impersonnelle — sur le modèle de celles que j’ai déjà reçues — aurait suffi. Or, ils ont préféré passer du temps à écrire à la main une série de jugements hautains et stériles, et me reprocher une absence de subtilité… sans la moindre subtilité. L'un de mes amis a fait cette remarque : « ils ont reçu ton manuscrit comme une insulte ».

Est-ce le signe que mon roman ne laissera pas indifférent, en fin de compte ? Il se pourrait qu’on l’aime ou qu’on le haïsse, sans demi-mesure.

Maintenant que la détestation s’est manifestée, le contraire devrait bien finir par arriver.

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