mardi 15 janvier 2019

Colette

Colette n’est plus.
Dans le soir qui descend
Doucement et sans bruit
Son cœur déclinant
S’est finalement endormi.

Les animaux qu’elle chérissait,
Chiens, oiseaux, minets
Pleureront toujours la grande dame
Qui comprenait si bien leur âme.

Mais pour ceux qui l'aimaient
Colette ne mourra jamais.
Et malgré le destin cruel
Qui nous ravit ceux que l’on aime,
Colette restera à toute heure
Dans notre vie et notre cœur.

À un de ces jours dans les étoiles, ô mon amie.
(Suzanne)


vendredi 3 août 2018

Respecte ton blogueur

© Mosquito / Sergio Toppi

« Bonjour Eric, Merci d'avoir liké mes bêtises ! Vous avez un
blog littéraire ? J'espère que vous me ferez l'honneur de me critiquer ! A bientôt peut-être.. » [sic] me fais-je un beau jour interpeller en message privé sur le réseau des gazouilleurs.

Première réaction : comment, moi qui ne suis rien, totalement anonyme avec mon petit blog quasiment sans lecteurs et mon minuscule réseau d’abonnés, et surtout pourquoi un auteur (car c’en est un, apparemment) que je ne connais absolument pas, publié chez un grand éditeur, me demanderait brusquement de chroniquer son roman ?

Deuxième réaction, je vérifie mes courriels, mon blog, le nombre de mes abonnés sur Twitter
— a-t-il lu mes modestes chroniques et laissé au moins un commentaire, s’est-il abonné à mon compte ? Que nenni, rien, nada. Je trouve la méthode un brin étrange, pour ne pas dire cavalière, dis-je à mon ami de longue date et néanmoins blogueur (véritable vedette des zinternets, lui). Toutefois, je décide de rester poli et de ne pas totalement fermer la porte : « je ne suis pas très fan de policier, mais pourquoi pas, si votre bouquin est en version numérique ». Les mots me semblaient clairs et la perche bien tendue (un, ce n’est pas mon rayon, ni ma tasse de thé ; deux, bon, allez, je veux bien y songer mais n’oublie pas, coco, de me filer le fichier de ton roman).

Et coco de répondre illico : « Je suppose que mon éditeur fait bien les choses et que oui. Mais ce n'est pas un policier au sens classique du terme. Voici un petit pitch… », sans plus de lien vers un fichier e-pub ou équivalent que de beurre en broche.

Les bras m’en tombent. Je les récupère vite fait et, par curiosité, je vais sur le site de l’éditeur où je trouve aussitôt le roman de coco, disponible au téléchargement contre la modique somme de quinze euros et quelques cacahuètes. Nouvel échange avec ma vedette préférée sur le mode
il-y-en-a-qui-ne-doutent-de-rien, tendance tout-fout-le-camp-ma-bonne-dame. N’ayant pas de temps à perdre avec les gens mal élevés, je prends le parti de ne pas répondre.

Quinze jours plus tard, je reçois un nouveau message de coco avec la capture d’écran d’une brève sur son roman : « Je me permets d'insister lourdement mais... Ce matin dans le journal !!! »

Oui, et alors ? me dis-je tandis que la moutarde me monte — cette fois-ci — au nez. Je veux bien être aimable et faire preuve autant que possible de diplomatie mais il y a des limites à tout, à ma patience y compris.

Tu ne comprends pas, coco ? Attends, je vais te mettre les points sur les i et les barres aux t : « Bonsoir. Je ne saisis pas votre insistance. En effet, mon blog ainsi que mon compte Twitter sont très récents et de fait, je n’ai vraiment pas beaucoup d’audience (pour l’instant en tout cas). En outre, je ne suis pas un « chroniqueur » de romans. Il m’arrive malgré tout de le faire, pour mes propres lectures, mais ce n’est pas l’objet principal de mon blog. Je n’ai donc a priori aucune raison de chroniquer un roman à votre profit (et à celui de votre éditeur, accessoirement). Dans un premier temps, pour faire les choses correctement, je pense que vous auriez pu au moins commencer par me suivre sur Twitter (je vous aurais sans doute suivi en retour), puis peut-être par aller lire quelques-uns de mes billets, et laisser un ou des commentaires, histoire de me faire savoir que vous les aviez lus — et éventuellement appréciés. Ensuite seulement, vous auriez pu me demander de chroniquer votre bouquin. En me fournissant le fichier gratuitement. Comprenez-moi bien : je ne vous connais pas, vous ne faites pas partie de mes abonnés, vous ne lisez pas mon blog (apparemment) ; je ne vais donc pas dépenser quinze euros sur le site de votre éditeur pour acheter votre bouquin, puis passer du temps à le lire et à le chroniquer, comme ça, juste pour vous faire plaisir. Mon temps est précieux. J’ai mes propres billets à écrire, voyez-vous, ainsi que mon deuxième manuscrit. Bonne continuation ».

Moi, à la place de coco, je m’en serais tenu là. Au mieux, je me serais confondu en excuses. Eh bien non, pas coco : « J'avais juste l'ambition d'être lu par un lecteur expérimenté, assidu et dont l'avis compte comme l'avis de tous ceux qui font des chroniques littéraires. Je vous aurait bien sûr envoyé le roman si vous m'aviez donné votre adresse, comme je l'ai fait avec d'autres blogueurs. Dommage » [sic].

Franchement, je ne m'attendais pas à être confronté à tant d'inepties (et de fautes). Lecteur expérimenté ? Mais t’en sais quoi, coco ? Assidu ? Assidu à quoi ? Dont l’avis compte ? Mais pour qui ? Qui se préoccupe de mon avis de lecteur diplômé de l’institut Expérimenté et Assidu ?

Et bien entendu, toujours pas de lien vers le bousin, ou de fichier joint. « Si vous m'aviez donné votre adresse… » Ben voyons. Il te suffisait de me la demander, coco.

Le comble de cette histoire est qu'elle s’est déroulée en plein mouvement #PayeTonAuteur. Je n'avais pas l’intention de me faire payer, ce n’est pas le sujet, mais enfin, même entre auteurs, le respect ce n’est pas tout à fait gagné.

vendredi 27 juillet 2018

L'épure

« Le vieil homme et la mer », texte dont j’avais évidemment maintes fois entendu parler, est avec « Pour qui sonne le glas » ou « Paris est une fête » par exemple — du même Hemingway — de ces romans si célèbres, dont les titres sont si extraordinaires, évoquant à eux seuls presque un univers, qu’ils sont entrés dans le langage courant.

Une autre leçon littéraire, de ces leçons à tiroir qui sidèrent l’aspirant écrivain, ne lui laissant à la lecture des derniers mots, « Le vieux rêvait de lions », qu’une certitude hébétée — celle de n’arriver jamais à la cheville du grand lion.

Sublime texte. D’une simplicité fulgurante. L’intrigue, le décor, la langue, les personnages, tout semble très simple, réduit au strict minimum, comme la taille du récit, très courte, moins de cent cinquante pages, et jusqu’à l’incipit qui emprunte aux contes de
fées : « Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau qui pêchait au milieu du Gulf Stream ». Et s’il s’agit bien d’un conte, en effet, il entre dès la phrase suivante dans la réalité la plus âpre. Mais qui a dit que la triste réalité de notre époque était exempte de magie ?

La magie de Hemingway, au cours de ce roman-là, se déploie dans l’atmosphère qu’il suscite, parfois très proche de certaines histoires des Mille et une nuits ; dans la providence qu’il fait surgir, improbable, comme celle du génie enfermé dans sa lampe ; dans l’amour inconditionnel que se portent les protagonistes, celui que le vieux porte à la mer et celui que l’auteur laisse en creux vibrer pour Cuba, où il a si longtemps vécu et tant pêché de poissons d’argent.

Ce graal littéraire, magie ultime qui les contient toutes — l’épure.